#FIG2015 Réfléchir le monde à travers le cinéma

Réfléchir le monde à travers le cinéma : revisiter l’enseignement de la géographie
par Yann Calbérac, Bertrand Pléven et Marion Beillard (IA IPR)

Ce compte-rendu est proposé par Julien Meynet, du Lycée français Lyautey de Casablanca

Faire entrer le monde dans la classe & faire entrer la classe dans le monde

Les travaux proposés lors de cet atelier se veulent à la croisée entre la recherche universitaire et la pratique de classe. La réflexion est centrée sur les territoires urbains au travers du cinéma et la construction, chez les élèves de l’imaginaire géographique.
En guise d’introduction, les intervenants montrent l’intérêt du cinéma comme terrain géographique.
– Un enjeu intellectuel : L’objectif étant d’apprendre à voir et de voir pou apprendre, d’armer le regard pour voir le cinéma. Il doit permettre une mise en ordre du monde.
– Un enjeu culturel : Le cinéma construit le rapport à l’altérité, il permet de se projeter dans la vie de l’autre. Aussi, s’intéresser au cinéma c’est une façon de légitimer les pratiques culturelles de l’élève, de prendre au sérieux sa culture.
– Un enjeu civique : la fiction, c’est croire, accepter que ce que je vois est vrai le temps d’un film, en ce sens permet de travailler la dimension critique.

Bertrand Pleven insiste ensuite sur la difficulté de contextualiser en géographie et  sur la difficulté d’avoir un regard critique au cinéma.
Il revient sur la distinction entre la  fiction, considérée comme éloignée de la vérité, fausse et le documentaire qui dirait la vérité. Selon lui, ces deux visions des choses sont très réductrices.
En fait, les deux renvoient à une tentative de mise en ordre du monde, de mise en place d’éléments pour comprendre le monde. La fiction et le documentaire sont donc des représentations différentes à partir d’une même réalité, les deux renvoient à une expérience géographique (même la science-fiction qui a sa cohérence).

La fiction est en ce sens aussi intéressante à étudier en classe que le documentaire. La fiction est plausible, vraisemblable. Le cinéma renvoie à l’individu, il peut-être interroger au travers de 3 questions : Que vois-je, comment le vois-je, que suis-je capable de voir.

Marion Beillard rappelle ensuite les conditions légales en terme de projection dans les classes. Tous les textes sont disponibles sur EDUSCOL.
Elle relève 3 cas de figure :
– La fiction ou le documentaire ont été récupérés sur EDUTHEQUE. Dans ce cas aucun problème de droit.
– Il s’agit d’un DVD acheté par l’établissement avec une licence. Dans ce cas aucun problème de droit.
– Cas le plus fréquent, le film a été récupéré sur internet, ou provient d’un DVD acheté. Dans ce cas, il est possible de diffuser l’œuvre dans le cadre de « l’exception pédagogique ». Il est autorisé de diffuser, de montrer une œuvre pour illustrer un propos mais, l’extrait ne doit pas dépasser 6 minutes ou pas plus de 1/10 de l’œuvre. C’est ce que l’on nomme « l’exception de courte citation à usage pédagogique ».

Atelier 1
Après cette introduction, il est proposé à l’assemblée de visionner une fiction puis de l’analyser. Il s’agit d’un film collectif intitulé Paris je t’aime : il a été demandé à des réalisateurs provenant de différents pays de réaliser une histoire par arrondissement parisien. Entre chaque court métrage, le paysage parisien sert de lien spatial à l’ensemble du film.  C’est le court métrage « Loin du XVIe » qui est visionné.

https://youtu.be/4LjhfZB8XJE

Bertrand Pleven a utilisé ce film en 6ème dans le thème intitulé « Habiter la ville ».

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#FIG2015 Conférence de Michel Lussault

M. Lussault parle de Blue Marble
M. Lussault parle de Blue Marble

Après la table ronde inaugurale, la conférence de Michel Lussault était intitulée Quelle place pour l’imaginaire géographique ?
En introduction à son diaporama, M. Lussault cite Gaston Bachelard : « Notre appartenance au monde des images est plus fort, plus constitutif de notre être que notre appartenance au monde des idées ».
La géographie apporte des éclairages aux autres sciences sociales, avec sa sensibilité spatiale, et finalement peu de disciplines s’intéressent vraiment au spatial. Si on cite Bachelard, c’est que l’on aborde l’image non pour illustrer la géographie, mais pour la subvertir, la retourner : il faut reconsidérer la question de la spatialité. L’approche par l’image n’enrichit pas la géographie, elle la change ! L’image est en effet une autre façon de considérer la géographie : c’est documenter le monde social, proposer des solutions au politique. Faire de la géographe, c’est interroger le champ politique et donc s’y engager. Il faut considérer ce que la géographie peut déverrouiller du champ politique et c’est quelque chose qu »on peut faire passer aux élèves, c’est-à-dire faire de la géographie pour se réapproprier une relation politique ou sociale; et la source de cette démarche est l’interrogation des images.

The_Earth_seen_from_Apollo_17Une image est projetée : il s’agit de la Terre photographiée pour la première fois en 1972 dans son entièreté depuis l’espace (NASA). Elle est surnommée Blue marble. C’est bien sûr une image analogique, et non une des recompositions numériques auxquelles nous sommes habituées. Cette image bouleverse la représentation du monde : elle est centrée sur l’Afrique, on y voit le pôle sud, et c’est une nouveauté dans les représentations cartographiques aux États-Unis. Elle en devient donc une icône qui parle d’elle même. Mais il faut se méfier de l’illusion iconique dit Jacques Rancière, car montrer une image peut faire croire que tout est réglé…alors qu’en fait c’est le trouble qui commence. Donc, que représente cette image ? L’image, dit Louis Marin, est « l’énonciation puissante d’une absence ». Elle a donc un rapport à la disparition, une absence liée à la mort ? L’image montre quelque chose qui disparaît. En 1972, c’est la fin de l’image d’une terre homogène, régulée.

a1afc58c6ca9540d057299ec3016d726-1398434420.resizedD’autres images au contraire ne représentent rien. La diapo suivant propose une image du projet de rénovation du quartier du Heysel à Bruxelles. Nous sommes là face à un traitement iconographique d’une mémoire meurtrie ; or une image de projet urbain ne représente qu’une virtualité, quelque chose qui n’a pas d’existence. L’image est un dispositif de « monstration » (Louis Marin), de quelque chose qui n’exista pas en tant que tel. Avant la photographie de la NASA en 1972, on dispose de cartes, de globes, mais cette image de la Terre présente (et non représente !) une réalité nouvelle, qui fait apparaître des réalités spatiales. Il faut souvent un passage par l’image pour qu’un espace devienne un espace social. Et ce n’est pas un espace individuel car il n’existe pas de territoire individuel. Certes beaucoup d’individus documentent, notamment par des images, leur spatialité (via des applications sur smartphones), mais le partage de leur spatialité individuel sur les réseaux sociaux fabrique en fait de l’espace social.

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