La position concurrentielle du port d’Anvers dans la Rangée Nord #FIG2016

La position concurrentielle du port d’Anvers dans la Rangée Nord

Jacques Charlier, Université de Louvain la Neuve (UCL)

Anvers est un port maritime et fluvial, une plate forme multimodale et donc un carrefour. Mais c’est aussi la plus grande plate forme logistique du monde et une zone industrialo-portuaire.

Tous les documents présentés ici ont été aimablement fournis par Jacques Charlier et je l’en remercie vivement.

La Rangée Nord

Nous sommes dans un contexte de croissance généralisée des échanges depuis 50 ans, malgré des accidents ponctuels, croissance qui concerne tous les produits du charbon (X 3 en 20 ans) aux conteneurs (X 5), lequel, selon le litre de l’ouvrage de Marc Levinson est « la boîte qui a rendu la géographie plus petite et l’économie plus grande »

Évolution 1985-2015 des trafics portuaires de la Rangée Nord (Mt )
Évolution 1985-2015 des trafics portuaires de la Rangée Nord (Mt )

La Rangée Nord c’est 16 ports au total, dont 3 mondiaux ; Rotterdam, Hambourg, Anvers. La plupart sont propriétés des villes ou villes-États, sauf en France ou les ports autonomes sont finalement des ports d’État. Entre 1985 et 2015 on est passé de 656 Mt à 1288 Mt. Toutefois les hiérarchies changent. Ainsi c’est Anvers qui connaît la croissance la plus rapide et qui domine les autres ports belges et beaucoup de ports français. Toutefois, Anvers reste à l’ombre de Rotterdam.

L'évolution du trafic de sports des ports (en Mt) de 1985 à 2015, d'après des cartes de Jacques Chartier
L’évolution du trafic des ports (en Mt) de 1985 à 2015, d’après des cartes de Jacques Charlier

Rotterdam creuse l’écart dans les années 1950 en étant capable de faire de tout et de bonne qualité. On y trouve les plus grands stocks pétroliers au monde et le pétrole représente 50 % du trafic du port. Toutefois, le manque de place fait que certains flux se détournent vers Anvers et Amsterdam, même si Rotterdam reste à la tête du système rhénan pour la pénétration du continent.

Rotterdam c’est 11 millions de conteneurs, comme Dubaï. Ce n’est pas le plus grand port occidental, lequel se trouve en Californie avec une capacité de 15 millions.

Mais l’espace manque. Le projet Maasvlakte 1 a été conçu dans les années 1970, d’abord pour accueillir l’industrie allemande. Mais celle-ci reste finalement dans la Ruhr et l’espace créé devient alors une opportunité saisie pour fabriquer un terminal à conteneurs avec Maersk et la compagnie de Dubaï. Aujourd’hui, le projet n°2 vise à doubler l’espace, essentiellement pour des infrastructures logistiques car Rotterdam est en retard dans ce domaine.

Les ports belges

On peut mesurer l’importance du port par :

  • le trafic, en général en poids et donc sans tenir compte de la valeur
  • l’emploi direct (100 000 en Belgique) et induit
  • la valeur ajoutée
Vue d'ensemble des ports belges
Vue d’ensemble des ports belges

Le premier élément est à prendre avec précaution car il ne tient pas compte de la valeur. Ainsi Gand produit plus de valeur ajoutée que Zeebrugge pour un trafic moindre. Toutefois, du fait d’une écluse trop étroite, ce port stagne. En 2021 Gand devrait bénéficier d’une écluse plus grande situés en territoire néerlandais à Terneuzen. Il devrait ainsi confirmer son statut de premier port céréalier de Belgique.

Zeebrugge, port récent qui démarre en 1904, a connu une croissance jusqu’en 2010 mais ensuite Anvers reprend une partie du trafic. Sa croissance initiale date des années 1960 et s’accélère dans les années 1980. Ses créneaux sont :

  • le gaz naturel
  • le roll on/off vers la GB
  • premier port voiturier grâce à l’espace disponible
  • les euro conteneurs

Anvers entend mener une politique dynamique à l’image du nouveau bâtiment de l’autorité portuaire réalisé par l’architecte Zaha Hadid. Grâce au dragage récent de l’Escaut, les plus grands porte-conteneurs y ont désormais accès. Le glissement vers l’aval a aujourd’hui trouvé ses limites car bloqué par le territoire néerlandais. C’est la rive droite qui a d’abord été occupée, puis le développement s’est déployé sur la rive gauche jusqu’à occuper aujourd’hui 0,5 % du territoire belge. La nouvelle écluse rive gauche a été construite par Eiffage avec des éléments construits en Chine…

Anvers a échoué dans un domaine, celui du vrac solide (charbon, minerai de fer) mais surtout du fait de la fin de la demande avec la désindustrialisation de l’arrière pays. En revanche, c’est un succès pour le trafic conteneurs, en entrée comme en sortie avec le fret de retour.

L’extension portuaire pose tout de même la question de l’aménagement de l’espace puisque 7 villages sont annexés, et parmi eux 4 sont détruits pour les aménagements de 3e génération. On construit aujourd’hui des terminaux devant les écluses pour que les plus gros porte conteneurs ne perdent as de temps. Ce projet devrait conduire à la destruction du village de Doel, habité par plus de 1000 personnes.

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Enfin, Anvers se distingue par un point fort original : la logistique co-localisée. Il s’agit d’un lieu de rupture de charge entre conteneurs et palettes, un point central et performant inventé par Anvers.

Ainsi, Anvers est une zone industrielle, une zone logistiques et un nœud avec l’hinterland par la liaison Escaut-Rhin.

NB : Jacques Charlier suggère deux source intéressante, les notes de synthèse de l’isemar, qui proposent en même temps une bonne cartographie, et l’ouvrage de Jean-Paul Rodrigue intitulé Transport system (il est conseillé d’attendre la 4e édition).

L’apocalypse en 30 mn, géographies de la guerre accélérée #FIG2016

L’apocalypse en 30 mn, géographies de la guerre accélérée

Henri Desbois, maître de conférences, Université Paris Ouest Nanterre La Défense

p_20161002_135243_hdr-ageronLe conférencier précise que si l’essentiel des informations concerne les États-Unis, c’est qu’ils mènent une politique de déclassification exploitable. En Russie, c’est beaucoup plus limité et la barrière de la langue est un obstacle.

La vitesse a changé beaucoup de choses dans la guerre, et notamment pour les missiles balistiques intercontinentaux qui seront au centre de la conférence. C’est non seulement l’organisation de l’espace qui est remise en question, mais aussi la manière de se le représenter, notamment par l’impact du GPS qui est un projet issu de l’armée. Aujourd’hui c’est par les drones que la guerre est accélérée.

À partir de 1944, Londres est bombardée par le premier missile balistique à moyenne portée, le V2. Ce missile suit une parabole dont l’apogée se situe à 100 km, ce qui est plus ou moins la limite entre l’atmosphère et l’espace. Le V2 a été une arme de terreur totalement imprécise, causant un effroi accru par le fait qu’on ne l’entend qu’au dernier moment puisque volant entre 2 et 3 fois la vitesse du son. La guerre était donc entrée dans l’ère du supersonique.

Après la guerre, c’est l’arme atomique qui joue un rôle fondamental. Au début des années 1950, les test qui ont lieu dans le désert du Nevada sont des spectacles parfois proposés par des tour operator. Pour l’armée, la priorité en 1945 est de reconstituer le stock des 3 bombes qui viennent d’être utilisée (l’une en test, les deux autres au Japon). Puis, avec le début de la Guerre Froide, la bombe A devient l’outil sur lequel la défense du pays doit reposer, puisque les États-Unis ont moins d’hommes que l’URSS. La production s’organise vite tant en quantité qu’en qualité avec le développement de la bombe thermonucléaire, de 100 à 200 fois plus puissante. C’est une arme de dissuasion qui vise les civils via les villes et les installations industrielles car elle est peu efficace contre les infrastructures militaires. Tout au long de la Guerre Froide, la liste des cibles s’allonge à mesure que l’arsenal se renforce.

Lorsque l’URSS se dote de la bombe à son tour, on passe à l’état d’alerte permanent. C’est dans ce contexte que se met en place le « dôme de chrome« , où concrètement des bombardiers B52 dotés de 2 bombes de 2 Mégatonnes (à Hiroshima la charge était de 20 Kilotonnes) parcourent la Northen chrome dome route en permanence. De 1960 à 1968 il faut en effet vivre avec l’urgence de la réplique, notamment si les aérodromes sont détruits pars des frappes soviétiques. L’avion présente l’avantage d’être peu vulnérable, mais expose deux points faibles en retour : l’endurance des pilotes et la stabilité de l’appareil qui a du être modifiée pour embarquer plus de carburant dans les ailes. D’ailleurs en 1961 un avion se disloque en Caroline du Nord et perd ses deux bombes. Sur 4 systèmes de sécurité, 3 ne fonctionnent pas…

Il faut donc trouver une autre solution et le choix se porte sur le missile balistique avec le projet Atlas. Mais cela reste une arme complexe à manipuler et imprécise : la priorité devient la réduction du « cercle d’erreur probable », qui s’élève tout de même à 6 km au début (selon les hypothèses des spécialistes, les chiffres de l’armée se montrant plus optimistes). Toutefois, le missile présente plusieurs avantages : il est ininterceptable, il a une très grande portée et il est extrêmement rapide avec une vitesse de mach 7. Ainsi, la plupart des cibles peuvent être atteintes en 30 minutes, 90% de son trajet se fait hors atmosphère et il a son apogée à 1200 km. Ainsi, à son entrée dans l’atmosphère, il ne reste que quelques secondes à une minute avant l’impact.

Le concept de front s’en trouve complètement brouillé puisque les notions d’avant et d’arrière disparaissent. On assiste donc à une extension du territoire de la guerre. La menace d’être frappé n’importe quand et n’importe où s’installe et s’accompagne d’une culture de l’apocalypse nucléaire. On se met à vendre et construire des abris, des exercices comme le « duck and cover » (à l’efficacité absurde) sont organisés dans les écoles. Ainsi, l’espace civil est réorganisé en espace militaire.

Ces bouleversements ont accéléré la révolution de la géographie et de la connaissance de la terre. En effet, le missile ne dispose pas de système de guidage à impulsion extérieure (en gros il n’y a pas de télécommande). C’est une sécurité pour éviter qu’il ne soit dévié. Le guidage ne repose que sur des mesures, comme la vitesse et l’accélération par exemple, à l’aide d’un outil de taille réduite mais très complexe. De ce fait, le missile se déplace dans un espace abstrait avec une trajectoire calculée, mais qui nécessite un modélisation mathématique. Le problème est qu’on ne dispose pas de carte précise de l’URSS, qui produit volontairement des cartes inexactes. cela devient un souci quand on ne vise plus que les grandes métropoles mais d’autres cibles plus difficiles à localiser. Les États-Unis développent donc l’espionnage, en terrain ou aérien avec l’avion U2 (mais l’interception d’un pilote fut l’objet d’un grand moment de tension). Hors espace aérien, les Américains développèrent un programme de satellite nommé Discover, qui était en fait un écran de fumée pour dissimuler le programme Corona. Grâce à des satellites, ils envoyèrent des appareils dotés de pellicule 35 mn photographier le territoire soviétique, avant de récupérer les bobines via des filets… Notons que cette habitude d’espionner la terre par des satellites s’est poursuivies : dans les années 1980, on compte 14 ou 15 satellites équivalents à Hubble…mais tournés dans l’autre sens.

Avec cette première révolution qui fournit des clichés d’assez bonnes résolutions mais avec une couverture réduite, on décide de refaire toute la géodésie. L’année géophysique internationale qui se déroula de 1957 à 1958 fut ainsi l’occasion pour l’armée américaine de récolter un nombre important d’informations. La localisation par satellite fut la 3e révolution, liée à l’émergence du sous marin. Cette arme apparut évidente pour ne pas se retrouver désarmé après une première frappe de l’ennemi. Dans les années 1960 la navigation inertielle montre ses limites puisqu’il faut se recalibrer après plusieurs heures. On commence à introduire l’informatique, ce qui nécessite de réduire la taille des ordinateurs de l’époque pour les faire rentrer dans les sous marins.

Aujourd’hui l’accélération emprunte d’autres voies comme le drone qui sert soit au soutien des troupes au sol, soit pour l’assassinat ciblé en terre étrangère (avec une chaîne de commande inférieure à 2 mn une fois le suspect repéré). Il existe une « kill list », signée par le président et valable 60 jours. Le drone vole à environ 5000 pieds, mais est accusé de nombreuses erreurs et de provoquer d’importants dégâts collatéraux. Certains drones sont dotés du système Argus procédant de camera en mosaïque : on peut ainsi cartographier un territoire tout en zoomant quasiment à l’échelle de l’individu. Le rôle des IA se développe, et des programmes travaillent sur la détection des comportements suspects, ouvrant ainsi la voie à des perspectives policières inquiétantes.