Du texte à l’immersion

Je reprends ici quelques idées amorcées l’an passé et toujours enrichies par les échanges (de plus en plus sur Linkedin il faut le reconnaître). Dans ce billet je propose un petit processus qui permet de mobiliser différents usages de l’I.A. générative, tout en gardant une certaine souplesse notamment pour permettre de rééquilibrer le rôle de l’élève à toutes les étapes. Rien de nouveau dans les outils mais c’est justement pour montrer qu’il faut aussi exploiter ce qui existe pour enrichir nos pratiques et faire mûrir notre réflexion et nos usages au delà de la course à la nouveauté.

Trois éléments doivent rester prioritaires :

  • développer des compétences disciplinaires et transversales : rédiger, mobiliser des connaissances, analyser un texte, codage (au sens de comprendre et modifier une syntaxe), faire une requête pour une I.A. (« art du prompt »), organiser et structurer l’information ;
  • penser l’I.A. non comme boite noire de satisfaction immédiate mais comme dispositif dont on saisit les ressorts et intégré à un parcours (je garde l’idée que nous devons re-médier les usages). On doit développer une connaissance, une maîtrise et une pensée réflexive sur cet outil ;
  • n’utiliser que des outils gratuits et ouverts, ne nécessitant pas de création de compte afin de protéger les données élèves. C’est un élément qui leur est bien sûr communiqué avec transparence.

Ici nous partons d’une idée simple : comment élaborer un texte et le transformer ensuite en parcours immersif visuel qui permettra :

  • de motiver les élèves ;
  • de fixer les savoirs ;
  • d’être créatif.

Voyons d’abord avec un exemple (ou allez directement au tableau de synthèse en fin de billet).


Étape 1 – Le texte

L’objectif est, en classe de 6e, d’introduire au fonctionnement de la vie civique à Athènes au Ve siècle avant J.C. Il s’agira donc de construire un espace immersif où le citoyen découvre la vie économique sur l’agora, va voter à l’ecclesia sur la colline de la Pnyx, se rend à l’héliée, rend hommage à Athéna au Parthénon, etc

Dans un premier temps on sollicite Perplexity. Cette première étape sert à découvrir le prompt et le fait qu’il faut savoir l’analyser pour améliorer le résultat.

Le récit d’une journée d’un citoyen Athénien du Ve siècle avant JC, appelé Nicomaque, qui fréquente les lieux importants de la cité

Le retour de Perplexity :

Nicomaque, un citoyen athénien du Ve siècle avant J.-C., commence sa journée dans une Athènes vibrante, où la démocratie et la vie civique sont au cœur de l\’existence. ## Matin : Participation Civique Au lever du jour, Nicomaque se prépare à participer à l\’Ecclésia, l\’assemblée des citoyens, où il peut exprimer son opinion sur les affaires de la cité. En tant que citoyen, il a le droit de voter et de débattre des lois, un privilège réservé à environ 30 000 citoyens sur une population totale de 400 000 habitants[2][3]. Avant de quitter sa maison, il s\’assure d\’avoir suivi l\’éphébie, un service militaire obligatoire de deux ans, qui lui a appris à défendre sa cité[1][2]. ## Midi : Vie Sociale et Politique Après la réunion, Nicomaque se rend au marché, l\’Agora, un lieu central où se mêlent échanges commerciaux et discussions politiques. Ici, il peut rencontrer d\’autres citoyens, discuter des nouvelles de la cité et des décisions prises lors de l\’Ecclésia. Le marché est également un lieu de rassemblement pour les orateurs, où des discours sur la politique et la philosophie sont fréquents. Nicomaque, en tant que citoyen, est conscient de ses devoirs, notamment celui de défendre la cité, ce qui le pousse à s\’informer sur les affaires militaires et les alliances[2][4]. ## Après-midi : Engagements Militaires et Sociaux Dans l\’après-midi, Nicomaque se rend à l\’entraînement militaire, un aspect essentiel de la vie d\’un citoyen athénien. Les citoyens sont classés selon leur richesse et leur capacité à servir : les plus riches comme cavaliers, la majorité comme hoplites, et les plus pauvres comme rameurs[1][2]. Cet entraînement est crucial, car la défense d\’Athènes contre des menaces extérieures, notamment de la part de la Perse, est une priorité. ## Soir : Vie Familiale et Réflexion En fin de journée, Nicomaque rentre chez lui pour passer du temps avec sa famille. La vie familiale est également un aspect important de son identité de citoyen. Il doit veiller à élever ses enfants dans le respect des valeurs athéniennes et à leur transmettre l\’importance de la citoyenneté. Les citoyens ont des droits, comme posséder des terres et contracter des mariages légitimes, mais ils ont aussi des devoirs, notamment celui de participer activement à la vie politique et de défendre la cité[1][3]. ## Conclusion La journée de Nicomaque illustre la vie d\’un citoyen athénien au Ve siècle avant J.-C., marquée par l\’engagement civique, la responsabilité militaire et l\’importance des relations sociales. Son existence est un reflet de la démocratie athénienne, où chaque citoyen joue un rôle actif dans la gestion de la cité.


Une première analyse avec l’enseignant et des documents montre que seulement deux lieux sont cités, l’agora et l’ecclesia : c’est une introduction au regard critique et à l’idée que l’I.A. répond bien si on l’interroge correctement, bref qu’il faut déjà une expertise pour en tirer profit. On identifie alors les lieux importants qui manquent et on redemande un récit qui les intègre :

Reprend ce récit et ajoute le Parthénon, la boulé et l’héliée

Perplexity réalise cet ajout sans souci :

Nicomaque, un citoyen athénien du Ve siècle avant J.-C., commence sa journée dans une Athènes vibrante, où la démocratie et la vie civique sont au cœur de l\\\’existence. ## Matin : Participation Civique Au lever du jour, Nicomaque se prépare à participer à l\\\’Ecclésia, l\\\’assemblée des citoyens, où il peut exprimer son opinion sur les affaires de la cité. En tant que citoyen, il a le droit de voter et de débattre des lois, un privilège réservé à environ 30 000 citoyens sur une population totale de 400 000 habitants[2][3]. Avant de quitter sa maison, il s\\\’assure d\\\’avoir suivi l\\\’éphébie, un service militaire obligatoire de deux ans, qui lui a appris à défendre sa cité[1][2]. ## Midi : Vie Sociale et Politique Après la réunion, Nicomaque se rend au marché, l\\\’Agora, un lieu central où se mêlent échanges commerciaux et discussions politiques. Ici, il peut rencontrer d\\\’autres citoyens, discuter des nouvelles de la cité et des décisions prises lors de l\\\’Ecclésia. Le marché est également un lieu de rassemblement pour les orateurs, où des discours sur la politique et la philosophie sont fréquents. Nicomaque, en tant que citoyen, est conscient de ses devoirs, notamment celui de défendre la cité, ce qui le pousse à s\\\’informer sur les affaires militaires et les alliances[2][4]. ## Après-midi : Engagements Militaires et Sociaux Dans l\\\’après-midi, Nicomaque se rend à l\\\’entraînement militaire, un aspect essentiel de la vie d\\\’un citoyen athénien. Les citoyens sont classés selon leur richesse et leur capacité à servir : les plus riches comme cavaliers, la majorité comme hoplites, et les plus pauvres comme rameurs[1][2]. Cet entraînement est crucial, car la défense d\\\’Athènes contre des menaces extérieures, notamment de la part de la Perse, est une priorité. ## Soir : Vie Familiale et Réflexion En fin de journée, Nicomaque rentre chez lui pour passer du temps avec sa famille. La vie familiale est également un aspect important de son identité de citoyen. Il doit veiller à élever ses enfants dans le respect des valeurs athéniennes et à leur transmettre l\\\’importance de la citoyenneté. Les citoyens ont des droits, comme posséder des terres et contracter des mariages légitimes, mais ils ont aussi des devoirs, notamment celui de participer activement à la vie politique et de défendre la cité[1][3]. ## Conclusion La journée de Nicomaque illustre la vie d\\\’un citoyen athénien au Ve siècle avant J.-C., marquée par l\\\’engagement civique, la responsabilité militaire et l\\\’importance des relations sociales. Son existence est un reflet de la démocratie athénienne, où chaque citoyen joue un rôle actif dans la gestion de la cité.


Étape 2 – Le schéma

Les élèves peuvent le réaliser eux même avec Drawio : on vérifie ainsi leur compréhension du texte et leur capacité à organiser l’information.

On peut également utiliser Mermaid qui transforme du code Markdown en schéma. C’est un moyen de les initier à ce langage léger de balisage. On demande alors à Perplexity :

Utilise les lieux cités dans ce texte pour produire du code markdown qui sera utilisé pour générer un schéma avec Mermaid. Chaque lieu est relié à au moins un autre.

On remarque que Perplexity explique le code, c’est intéressant. On copie alors celui-ci dans Mermaid.

On renforce la compétence des élèves à analyser une structure de code (syntaxe, grammaire) en leur demandant de vérifier, de corriger ou d’améliorer ce que Perplexity a proposé : l’apprentissage de la logique s’acquiert par des essais-erreurs-corrections.


Étape 3 – Générer des images

C’est un moment important où l’élève va projeter un imaginaire qu’il faut corriger avec l’acquisition des connaissances. Cependant, il va de soi qu’on ne demande pas à un jeune élève une reconstitution digne d’un historien. Il s’agit bien ici d’un travail de réflexion, c’est donc la nature des lieux civiques qui est importante. On pourra donc même laisser une forme de liberté pour aller vers des formes variables : réaliste, BD, voire, peut-être pour des élèves plus grands (c’est aussi au programme en seconde) et à l’aise, une recréation de la cité dans un autre univers qui permettrait de la mettre en perspective via une démarche qui se rapprocherait du travail sur l’uchronie (cyberpunk, monde actuel ou dystopique, etc). Cette distanciation est d’autant plus nécessaire que les outils en libre accès ne donneront qu’un résultat approximatif.

La seconde difficulté consiste à obtenir des images 360 exploitables dans des bulles immersives. Il existe une I.A. générative dédiée, Skybox, mais qui ne propose que 5 images par mois en accès libre et qui a supprimé la possibilité de les télécharger. J’avais fait un petit test (en mai 2023 on pouvait encore télécharger des images avec filigrane). Je propose un exemple en fin de billet car il reste une fonction d’embed.

Mais n’oublions pas que ce qu’il faut développer c’est le travail de l’élève sur le prompt donc lui offrir la possibilité de multiplier les essais et de corriger les erreurs. On pourra donc faire appel aux instances ouvertes de Stable Diffusion, comme ce Stable-cascade. (même si cela retse très loin de la qualité d’un Midjourney). Un enseignant doté d’un compte plus professionnel pourra ensuite valoriser le travail des élèves. L’obtention d’un vrai panoramique reste une opération délicate, mais on sort un résultat acceptable en commençant le prompt par :

360 degree image, equirectangular projection, circular padding,…

Vous pouvez ensuite tester vos création directement avec ce site bien pratique.

Les élèves marqueront sans doute parfois de la frustration ou de la déception face au résultat en deçà de ce qu’ils peuvent voir ailleurs. Mais on insistera sur le contrat qui n’est pas de recréer et de faire du « beau », mais de faire vivre des idées.

À noter : certains modèles produisent une image au format webp, il faudra la convertir en png ou jpg pour les intégrer dans l’étape suivante.

Étape 4 – Créer le parcours


Il ne reste plus qu’à téléverser les images pour exploiter H5P (avec un abonnement, sinon comme ici via pluggin gratuit dans WordPress).

L’ajout d’éléments par les élèves (textes, sons, images, vidéos) peut se faire selon une modalité de différenciation : d’une reprise des éléments du texte pour les élèves en besoin de consolidation à des propositions plus poussées et créatives pour les plus à l’aise.

Voici un rapide rendu possible avec seulement trois lieux :

Synthèse

Le workflow étant posé, on peut le synthétiser sous la forme du tableau ci-dessous, qui doit être vu comme un menu dans lequel on choisit l’équilibre des tâches en fonction des compétences visées. Construire des parcours différents est aussi un moyen de différencier les apprentissages.

L’exemple reposait sur une leçon d’histoire mais tout est possible dans d’autres disciplines :

  • écrire une fiction en français ;
  • résumer un livre en langue vivante ;
  • explorer une cellule en SVT ;
  • comprendre une réaction chimique en Physique-Chimie, etc
ÉtapeOutilsActivité de l’élève
1 – Le textePerplexity :
– Produire le texte complet

– Produire un texte à compléter
– Compléter le texte d’un élève ou groupe d’élèves
– Proposer un vocabulaire thématique, un champ lexical

– Rédiger un prompt, l’améliorer après analyse du résultat
– Compléter un texte incomplet
– Proposer un brouillon


– Rédiger à partir d’un champ lexical

2 – Le diagrammeDrawio

Perplexity : produire du markdown pour un schéma
Mermaid
– Traduire un texte en schéma
– Comprendre le fonctionnement du Markdown pour corriger/enrichir les lieux et les liens
3 – Les imagesPerplexity (aide au prompt)
Stabble diffusion
Produire un prompt
Corriger améliorer les propositions de Perplexity
4 – Le parcours immersifH5PImporter les images, créer les liens
Enrichir les bulles immersives par du texte, du son, des images, des vidéos (Youtube)

NB : un test avec skybox montre qu’il est compliqué pour le modèle de comprendre qu’un temple grec n’est pas nécessairement une ruine !

L’I.A. pour re-médier l’apprentissage

En semaine de formation des enseignants à l’Institut International de Lancy, j’ai proposé un atelier multidisciplinaire pour montrer tout le potentiel de l’I.A. utilisée comme outil de tutorat dans les apprentissages de l’élève. Les deux problématiques retenues furent de rendre les enseignants capables de scripter eux-même leurs modèles, afin qu’ils répondent parfaitement aux exigences disciplinaires, et ensuite de montrer que l’élève, loin de se trouver dépossédé, peut aussi, dans une démarche créative et réflexive, renforcer ses apprentissages, ses compétences techniques et son esprit critique.

L’émergence des grands modèles de langage (LLM) s’est rapidement accompagnée de la possibilité de scripter leur comportement pour créer des chat-bots thématiques. Cependant, les propositions qui ont pu fleurir sur certains sites, comme de dialoguer avec César par exemple, se sont vite montrées peu efficaces et peu adaptées à nos besoins de pédagogue. De surcroît, elles placent l’élève dans une position de simple récepteur dépossédé du processus de création, n’engageant que trop peu la démarche critique pourtant requise.

La première étape consiste à redonner le pouvoir aux enseignants sur l’outil. Ainsi, dans un premier temps, on leur propose de définir eux-mêmes une interface qui aide l’élève à travailler sa méthodologie, à approfondir savoir et réflexion et à réviser par l’interaction langagière avec un modèle de langage (LLM) en se concentrant sur le contenu et le comportement de l’assistant généré. Chaque enseignant travaille donc tout d’abord à partir d’une carte mentale avec Freeplane, ce qui lui laisse toute latitude pour organiser son projet en bénéficiant de la souplesse que l’outil implique lorsqu’il s’agit de réorganiser la structure globale. Ainsi on se concentre sur le fond et non sur les aspects techniques du création du chat-bot.

Ensuite, on exporte la carte en Markdown, qui est un simple langage de balisage permettant de structurer l’information et de la rendre clairement interprétable. C’est avec la plateforme Hugging Face qu’on définit chaque chat-bot. Chacun a ainsi pu scripter son modèle interactif pour travailler des concepts en philosophie, réviser la méthodologie en histoire-géographie, accompagner la résolution de problèmes en mathématiques, etc.

L’étape suivante consiste en des tests où l’on corrige le script en revenant à la carte mentale pour le rendre plus efficient, tout en variant les modèles proposés afin de trouver celui dont le comportement sera le plus adapté dans l’interaction avec l’élève. A titre personnel, je suis assez satisfait des résultats obtenus avec les LLM de Mistral AI.

Au passage, la mise en évidence qu’il existe différents modèles de langage, avec des efficacités variables, développe des compétences d’utilisation critique et renforce le sentiment de contrôle de l’enseignant. Il peut alors s’approprier l’I.A. qui, loin du fantasme d’un remplacement du personnel éducatif, s’intègre en fait dans la panoplie des outils à disposition des pédagogues.

Dans un deuxième temps, c’est aussi cette approche créative qu’on soumet aux élèves afin d’aiguiser leurs compétences critiques. En perspective en effet, je vois la possibilité, sinon la nécessité pour les élèves de s’approprier cet outil avec leur enseignant, pour à leur tour scripter le modèle de langage. Ainsi par exemple, plutôt que de discuter philosophie avec un Socrate déjà mis à disposition, le travail de mise en œuvre d’un Socrate numérique implique un travail d’appropriation des concepts et, par des tests partagés entre groupes et avec l’enseignant, le renforcement de cette maîtrise par l’apprentissage par l’erreur. Loin de la figure du consommateur qui cherche la satisfaction immédiate tel que bien analysé par Julien Gobin dans L’individu fin de parcours (2024), ce processus redéfinit le temps, le travail collectif et le cheminement qui construit le désir d’apprendre. Face au risque de “délestage cognitif” (U. León-Domínguez, 2024), on rend l’apprenant actif dans la définition d’une stratégie nécessitant mémorisation, analyse, travail collectif. Enfin, il me semble qu’il y a là une piste pour s’engager dans les trois axes de la littératie numériques tels que définis par Marcello Vitali-Rosati (Éloge du bug, 2024) :

  • la conscience de la multiplicité des domaines
  • la recherche de complexité
  • la maîtrise de l’activité

Ainsi, l’I.A. abordée comme outil de tutorat co-construit par l’apprenant, offre des perspectives pour renforcer différenciation et remédiation, mais aussi l’analyse critique et la métacognition. C’est ainsi un moyen de passer d’un objet qui vise à la satisfaction immédiate à un outil qui redonne sens au cheminement problématisé, bref de re-médier le rapport à l’apprentissage.

Open Data et citoyenneté numérique

Ce billet est un résumé de la conférence tenue le 4 mai 2023 à Montréal lors du 11e sommet du numérique en éducation.

Cette présentation s’inscrit dans une réflexion de plusieurs années, initiée avec Mathieu Merlet, enseignant au lycée français de Casablanca, et qui a déjà donnée lieu à des travaux présentés au Festival International de Saint-Dié-des-Vosges. Ces démarches pensées et mises en œuvres à l’Institut International de Lancy ont pour ambition de donner une autre dimension à l’approche disciplinaire afin de construire du sens dans un contexte informationnel largement redéfini par la médiatisation numérique.

Après l’enthousiasme qu’a suscité la démocratisation de l’Internet dans les années 1990, une forme de «cyberpessimisme» lui a succédé, dénonçant certains travers et, aujourd’hui, l’omniprésence souvent jugée menaçante des données et des algorithmes qui les traitent. Pourtant, bien utilisées, ces données permettent à la presse de proposer des visualisations (dataviz) qui font sens. Ce sens est aussi accessible pour les élèves par des visualisations rendues disponibles, comme sur celle de MeteoSuisse, qui permet de mettre en évidence les changements climatiques et donc d’intervenir dans le débat public.

La disponibilité des données s’inscrit dans une perspective historique longue remontant aux révolutions des XVIIe et XVIIIe siècles qui permettent l’émergence d’un État moderne plus démocratique offrant une place à l’opinion publique : en Angleterre, avec le Bill of Rights, aux État-Unis avec la mise en place de la démocratie américaine et en France par la Révolution de 1789. L’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen qui est issue de cette dernière, proclame que « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » En termes modernes, on entre dans une ère de gouvernance transparente, d’abord destinée à lutter contre la corruption. Une définition modernisée a récemment émergé avec notamment la création de lOpen knowledge Foundation en 2004 et la campagne du Guardian en 2006 promouvant l’idée que l’État, qui produit des données payées par l’impôt, doit rendre celles-ci accessibles aux citoyens, média et ONG. En 2008, la conférence de Sebastopol, en Californie, pose les huit principes qui définissent la donnée ouverte : complète, primaire, fraîche, accessible, lisible par les machines, non discriminatoire, ouverte dans son format et sa licence. Dans de nombreux pays on dispose ainsi de plate-formes officielles qui proposent des jeux de données et incitent les citoyens à se les approprier pour proposer des réutilisations monétisables ou non. Ces données concernent des domaines variés comme la santé, les transports, la culture, etc.

Aujourd’hui, trois grands axes supplémentaires témoignent de l’importance des données et de leur exploitation :

  • une mise à disposition accrue dans les pays en développement, car leur usage est perçu comme un levier du développement, notamment pour attirer des investisseurs ;
  • une gestion des espaces urbains par le traitement de la donnée, dans le cadre des villes intelligentes (smart cities). Les villes sont en effet devenues des ensembles complexes aux multiples capteurs (caméras, stations météo, smartphones,….), mais l’usage des données qui en sont issues n’est jamais neutre comme en témoignent les tensions entre différents modèles : contrôle social en Chine, capitalisation aux États-Unis, respect des données privées à Montréal ou en Europe de l’Ouest ;
  • la pertinence du Renseignement d’Origine Source Ouverts (ROSO ou OSINT en anglais) consistant à trouver, croiser et traiter des données librement accessibles. C’est souvent en période de guerre que cette démarche se révèle pertinente.

En contexte éducatif le traitement et la constitution des données par les élèves eux-mêmes permet de travailler une chaîne de valeur cognitive, exprimée par le modèle DIKW (Data – Information – Knowledge – Wisdom) :

  • Trouver les données, les créer, requiert de travailler des compétences de recherche, de lecture, de manipulation d’outils informatiques ;
  • Les mettre en forme corresponde, étymologiquement, à créer de l’in-formation, c’est-à-dire produire du sens avec déjà en perspective l’usage qui en sera fait. La donnée, rappelle Antoine Courmont, est toujours le produit d’un dispositif socio-technique et ne préexiste pas à sa conception ;
  • Utiliser cette information c’est produire de la connaissance ;
  • Et ainsi, au terme du cheminement, on renforce des compétences telles que la créativité, la résolution de problèmes, le travail collaboratif et la pensée critique.

Le domaine de la cartographie numérique se prête pertinemment au traitement de l’information, notamment via des outils de visualisation en ligne assez simples à prendre en main (Magrit, Khartis). Chercher à créer une carte, c’est d’abord s’interroger. Quelles données, quel producteur, quelle fiabilité ? C’est un questionnement fondamental pour des élèves peu ou mal confrontés aux sources, et dans un temps de surexposition médiatique volatile. On peut alors mettre en évidence le crédit à donner aux administrations, aux États et aux organisations internationales (ONU, Banque mondiale, FMI,…). 

Dans une autre activité, on peut rendre un groupe classe créateur par l’exploitation collaborative d’un article Wikipédia afin de produire un jeu de données complet et exploitable qui permettra de renforcer l’engament dans l’analyse d’une information qu’on a mise en forme. Cette démarche implique à la fois un travail collaboratif, mais aussi coopératif puisque de petits groupes doivent, a priori, définir les modalités du jeu de données (format, descripteurs,…).

Enfin, un travail avec le projet Missing Migrants, de l’Organisation Internationale des Migrations, qui vise à documenter les morts et disparus sur les routes migratoires depuis 2014, permet d’aller plus loin dans la réflexion sur la valeur citoyenne de la donnée et de son traitement. Le référentiel du Conseil de l’Europe sur La citoyenneté démocratique et engagée, met notamment en valeur la question des droits de l’homme, l’analyse et la réflexion critique, l’empathie, la coopération, l’esprit civique et la connaissance critique du monde. En faisant travailler les élèves sur différents espaces pour faire émerger une compréhension multiscalaire des enjeux migratoires, on aborde une question sensible, mais qui permet aussi de déconstruire des discours médiatiques anxiogènes. Cette (re)construction de l’information et de la connaissance est un remède contre la désinformation et une porte ouverte pour une réflexion et un engagement civique reposant sur des valeurs ainsi raffermies.

Ainsi, les pratiques pédagogiques engagées ont pour ambition de participer activement à la formation de l’esprit critique et engagé, particulièrement face au risque de désinformation. Le traitement des données ouvertes est une opportunité pour renforcer non seulement la littératie mais aussi à la fois l’esprit et les compétences de la citoyenneté numérique.

La France : dynamiques démographiques, inégalités socio-économiques

1. Les dynamiques démographiques

Utilisez ce jeu de données de l’Insee pour visualiser dans Magrit la répartition de la population à différentes échelles .En réexploitant les outils déjà utilisés, présentez la situation démographique de la France.

Avec Géoportail, utilisez les données liées à la population (densité, répartition par âge) pour montrer qu’il existe des situations très variables selon les territoires.

Que nous dit cette carte de l’observatoire des territoires sur l’évolution du territoire ? Où peut-on parler de gérontocroissance ?

Qu’est-ce la Silver economie et en quoi est-ce un enjeu économique et de société ?

Les inégalités socio-économiques

Dans Geoportail faire apparaître la couche Economie et Statistiques / Niveau de vie / Niveau de vie. Lisez la légende : quelle image obtient-on du territoire français ?

Au dessus de cette couche, faire apparaître la disponibilité culturelle (notamment l’enseignement supérieur) et l’accès aux hôpitaux : montrez la diversité des situations et les inégalités qui existent entre les territoires.

Sur le site de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, dans la rubrique « Les programmes », accédez à des exemples de projets menés. Présentez-en un en binôme;

Exemples :

Faire de la Géographie

Les notions et les repères

Le programme de Seconde est accompagné d’une liste de notions et de repères qu’il faut maîtriser à la fin de l’année. Les notions peuvent être revues, approfondies et étendues avec le Glossaire du site Géoconfluences et l’encyclopédie Hypergéo.

Les méthodes et la réflexion géographique

Pour développer sa réflexion géographique, il faut :

  • étudier les phénomènes par transformation scalaire, c’est-à-dire nen changeant d’échelle
  • définir les acteurs (publics/privés, État/collectivités locales, institutionnels/citoyens…)
  • caractériser les espaces : centre, périphérie intégrée, périphérie en marge, …

Les outils

Un certains nombre de sites proposent des outils incontournables

Les données

L’ONU : la division population, données et indicateurs, données interactives

Banque Mondiale : portail des données ouvertes

Universités de Sherbrooke : perspectives monde, fiches pays

Gapminder : visualisation en bulles, courbes, pyramides des âges, cartes

CIA Factbook : par pays ou par thèmes

Plus spécifiquement en démographie : un outil de visualisation des pyramides des âges avec barre de défilement temporel, sur l’INSEE un bilan démographique et la pyramide des âges interactive en France, l’INED

Pour les migrations : L’Office International pour les migrations (OIM) et notamment leur projet « Missing migrants » ainsi que leur portail.