Je reprends ici quelques idées amorcées l’an passé et toujours enrichies par les échanges (de plus en plus sur Linkedin il faut le reconnaître). Dans ce billet je propose un petit processus qui permet de mobiliser différents usages de l’I.A. générative, tout en gardant une certaine souplesse notamment pour permettre de rééquilibrer le rôle de l’élève à toutes les étapes. Rien de nouveau dans les outils mais c’est justement pour montrer qu’il faut aussi exploiter ce qui existe pour enrichir nos pratiques et faire mûrir notre réflexion et nos usages au delà de la course à la nouveauté.
Trois éléments doivent rester prioritaires :
- développer des compétences disciplinaires et transversales : rédiger, mobiliser des connaissances, analyser un texte, codage (au sens de comprendre et modifier une syntaxe), faire une requête pour une I.A. (« art du prompt »), organiser et structurer l’information ;
- penser l’I.A. non comme boite noire de satisfaction immédiate mais comme dispositif dont on saisit les ressorts et intégré à un parcours (je garde l’idée que nous devons re-médier les usages). On doit développer une connaissance, une maîtrise et une pensée réflexive sur cet outil ;
- n’utiliser que des outils gratuits et ouverts, ne nécessitant pas de création de compte afin de protéger les données élèves. C’est un élément qui leur est bien sûr communiqué avec transparence.
Ici nous partons d’une idée simple : comment élaborer un texte et le transformer ensuite en parcours immersif visuel qui permettra :
- de motiver les élèves ;
- de fixer les savoirs ;
- d’être créatif.
Voyons d’abord avec un exemple (ou allez directement au tableau de synthèse en fin de billet).
Étape 1 – Le texte
L’objectif est, en classe de 6e, d’introduire au fonctionnement de la vie civique à Athènes au Ve siècle avant J.C. Il s’agira donc de construire un espace immersif où le citoyen découvre la vie économique sur l’agora, va voter à l’ecclesia sur la colline de la Pnyx, se rend à l’héliée, rend hommage à Athéna au Parthénon, etc
Dans un premier temps on sollicite Perplexity. Cette première étape sert à découvrir le prompt et le fait qu’il faut savoir l’analyser pour améliorer le résultat.
Le récit d’une journée d’un citoyen Athénien du Ve siècle avant JC, appelé Nicomaque, qui fréquente les lieux importants de la cité
Le retour de Perplexity :
Une première analyse avec l’enseignant et des documents montre que seulement deux lieux sont cités, l’agora et l’ecclesia : c’est une introduction au regard critique et à l’idée que l’I.A. répond bien si on l’interroge correctement, bref qu’il faut déjà une expertise pour en tirer profit. On identifie alors les lieux importants qui manquent et on redemande un récit qui les intègre :
Reprend ce récit et ajoute le Parthénon, la boulé et l’héliée
Perplexity réalise cet ajout sans souci :
Étape 2 – Le schéma
Les élèves peuvent le réaliser eux même avec Drawio : on vérifie ainsi leur compréhension du texte et leur capacité à organiser l’information.
On peut également utiliser Mermaid qui transforme du code Markdown en schéma. C’est un moyen de les initier à ce langage léger de balisage. On demande alors à Perplexity :
Utilise les lieux cités dans ce texte pour produire du code markdown qui sera utilisé pour générer un schéma avec Mermaid. Chaque lieu est relié à au moins un autre.
On remarque que Perplexity explique le code, c’est intéressant. On copie alors celui-ci dans Mermaid.
On renforce la compétence des élèves à analyser une structure de code (syntaxe, grammaire) en leur demandant de vérifier, de corriger ou d’améliorer ce que Perplexity a proposé : l’apprentissage de la logique s’acquiert par des essais-erreurs-corrections.
Étape 3 – Générer des images
C’est un moment important où l’élève va projeter un imaginaire qu’il faut corriger avec l’acquisition des connaissances. Cependant, il va de soi qu’on ne demande pas à un jeune élève une reconstitution digne d’un historien. Il s’agit bien ici d’un travail de réflexion, c’est donc la nature des lieux civiques qui est importante. On pourra donc même laisser une forme de liberté pour aller vers des formes variables : réaliste, BD, voire, peut-être pour des élèves plus grands (c’est aussi au programme en seconde) et à l’aise, une recréation de la cité dans un autre univers qui permettrait de la mettre en perspective via une démarche qui se rapprocherait du travail sur l’uchronie (cyberpunk, monde actuel ou dystopique, etc). Cette distanciation est d’autant plus nécessaire que les outils en libre accès ne donneront qu’un résultat approximatif.
La seconde difficulté consiste à obtenir des images 360 exploitables dans des bulles immersives. Il existe une I.A. générative dédiée, Skybox, mais qui ne propose que 5 images par mois en accès libre et qui a supprimé la possibilité de les télécharger. J’avais fait un petit test (en mai 2023 on pouvait encore télécharger des images avec filigrane). Je propose un exemple en fin de billet car il reste une fonction d’embed.
Mais n’oublions pas que ce qu’il faut développer c’est le travail de l’élève sur le prompt donc lui offrir la possibilité de multiplier les essais et de corriger les erreurs. On pourra donc faire appel aux instances ouvertes de Stable Diffusion, comme ce Stable-cascade. (même si cela retse très loin de la qualité d’un Midjourney). Un enseignant doté d’un compte plus professionnel pourra ensuite valoriser le travail des élèves. L’obtention d’un vrai panoramique reste une opération délicate, mais on sort un résultat acceptable en commençant le prompt par :
360 degree image, equirectangular projection, circular padding,…
Vous pouvez ensuite tester vos création directement avec ce site bien pratique.
Les élèves marqueront sans doute parfois de la frustration ou de la déception face au résultat en deçà de ce qu’ils peuvent voir ailleurs. Mais on insistera sur le contrat qui n’est pas de recréer et de faire du « beau », mais de faire vivre des idées.
À noter : certains modèles produisent une image au format webp, il faudra la convertir en png ou jpg pour les intégrer dans l’étape suivante.
Étape 4 – Créer le parcours
Il ne reste plus qu’à téléverser les images pour exploiter H5P (avec un abonnement, sinon comme ici via pluggin gratuit dans WordPress).
L’ajout d’éléments par les élèves (textes, sons, images, vidéos) peut se faire selon une modalité de différenciation : d’une reprise des éléments du texte pour les élèves en besoin de consolidation à des propositions plus poussées et créatives pour les plus à l’aise.
Voici un rapide rendu possible avec seulement trois lieux :
Synthèse
Le workflow étant posé, on peut le synthétiser sous la forme du tableau ci-dessous, qui doit être vu comme un menu dans lequel on choisit l’équilibre des tâches en fonction des compétences visées. Construire des parcours différents est aussi un moyen de différencier les apprentissages.
L’exemple reposait sur une leçon d’histoire mais tout est possible dans d’autres disciplines :
- écrire une fiction en français ;
- résumer un livre en langue vivante ;
- explorer une cellule en SVT ;
- comprendre une réaction chimique en Physique-Chimie, etc
Étape | Outils | Activité de l’élève |
1 – Le texte | Perplexity : – Produire le texte complet – Produire un texte à compléter – Compléter le texte d’un élève ou groupe d’élèves – Proposer un vocabulaire thématique, un champ lexical | – Rédiger un prompt, l’améliorer après analyse du résultat – Compléter un texte incomplet – Proposer un brouillon – Rédiger à partir d’un champ lexical |
2 – Le diagramme | Drawio Perplexity : produire du markdown pour un schéma Mermaid | – Traduire un texte en schéma – Comprendre le fonctionnement du Markdown pour corriger/enrichir les lieux et les liens |
3 – Les images | Perplexity (aide au prompt) Stabble diffusion | Produire un prompt Corriger améliorer les propositions de Perplexity |
4 – Le parcours immersif | H5P | Importer les images, créer les liens Enrichir les bulles immersives par du texte, du son, des images, des vidéos (Youtube) |
NB : un test avec skybox montre qu’il est compliqué pour le modèle de comprendre qu’un temple grec n’est pas nécessairement une ruine !