Des cartes mentales en 6e

En Éducation Civique, le thème de l’enfant a été traité par un travail sur les enfants soldats avec Ezra. Cette année nous avons encore accentué l’usage des cartes mentales pour faire des résumés des thèmes abordés. Tout naturellement, l’évaluation a porté sur cette forme d’expression des connaissances et des idées. À partir de quelques documents simples (résumé de la Convention de 1989, 3 photographie, un court bilan de l’UNICEF), il fallait construire une carte mentale sur la situation des enfants dans le monde, en prenant soin :

  • de bien relever toutes les informations
  • de bien les organiser
  • d’enrichir la lisibilité par des couleurs et même de dessins.

Lors  de la restitution des copies, toutes les productions ont été vidéoprojetées pour conduire une analyse critique, permettant de relever les erreurs et de mettre en valeur les idées fertiles. On trouvera ci-dessous quelques exemples intéressants à étudier.

Il me semble que la classe de 6e est tout à fait propice pour ce type d’exercice (voir cet autre exemple). Les élèves sont avides de nouveautés et peuvent, si on les encourage, faire preuve de beaucoup de créativité.

Les exemples qui suivent sont aussi destinés aux élèves, pour garder trace de leur analyse, et ainsi préparer d’autres travaux !

Mais rendons d’abord hommage à cette superbe réalisation qui allie maîtrise de l’information, clarté de l’expression, qualité et créativité de l’illustration :

Un exemple superbe !

Exemple 1

Exemple 2
On a ici une organisation classique en trois zones (trois nuages). À chacune on attribue une couleur. La carte 1 montre toutefois deux faiblesses : des couleurs un peu tristes et un surpoids d’informations. La carte 2 clarifie les choses et propose même un nœud central tricolore.

 

Exemple 3

Exemple 4
Là aussi les trois zones sont respectées, pour présenter les trois idées essentielles, mais la présentation abandonne le nuage au profit d’un éclatement qui occupe bien l’espace. certains y ont vu des schémas floraux. La carte 3 mélange toutefois trop les couleurs et les jonctions, non hiérarchisées, troublent un peu la lecture. Pour augmenter la clarté, il serait bon que les fils n°1 apparaissent de manière différentes du reste pour les mettre en valeur.

 

Exemple 5

Exemple 6
Deux exemples contrastés : d’un côté (n°5) une structure claire et rigoureuse, soulignées par les couleurs; de l’autre (n°6) un mauvais usage de l’espace et des couleurs entraîne de la confusion dans la lecture.

 

Exemple 7

Exemple 8
L’exemple 7 montre qu’on peut gérer une certaine complexité, avec des connecteurs. Mais l’ensemble reste lisible grâce aux dégradés de couleurs. À l’inverse, l’exemple 8 est marqué par la disparité de l’écriture, donc l’absence de cohérence, et un applat de couleur malheureux.

 

Exemple 9

Exemple 10
Ces deux exemples montrent comment on peut tenter d’intégrer des dessins pour renforcer l’information écrite. Il faut toutefois veiller à ce que ceux-ci soient bien intégrés et parfaitement compréhensible, ce qui n’est pas le cas dans l’exemple de gauche.

Nathan et la peur du web

Le manuel Nathan

Un peu partout dans le monde, l’éducation est en pleine révolution : ouverture de plate-formes MOOC des universités américaines, usage massif des tablettes en Thaïlande, projet d’alphabétisation via smartphones en Afrique. la France en revanche se révèle plus frileuse et moins organisée. Les universités sont à la traîne, le CNED n’est pas à la hauteur ; les projets de classes numériques fleurissent au gré des humeurs des conseils généraux/régionaux et souvent sans concertation ni formation, entraînant des dérives regrettables.

Cette crainte vis à vis de l’ère numérique se retrouve aussi chez nombre d’éditeurs de manuels, tout frileux, tout apeurés face à l’espace du web. Au lieu de s’engouffrer dans ce qui est un vaste chantier à conquérir, on se repli (sur des positions préparées à l’avance), on se blottit dans les bonnes vieilles certitudes.

Et puis on part à la chasse aux sorcières.

Ainsi chez Nathan, éditeur notamment du manuel de géographie des terminales L/ES. Pour le cours sur la Mondialisation en débat, 3e question du 2e thème, on nous propose un exercice critique estampillé « B2i » et intitulé « Rechercher des informations sur Internet et porter un regard critique » (pages 192-193). La première page de ce dossier propose une étude comparée de plusieurs sites et invite à l’analyse de la source de l’information pour l’évaluer. L’intention, quoique d’une banalité confondante, peut paraître louable. Ce qui l’est moins, c’est l’orientation que prennent les choses à la dernière question :

Qui seul peut fournir de l'information ?

On lit en effet : « Triez et retenez les informations qui vous paraissent les plus fiables (celles qui émanent de scientifiques reconnus, qui ont pu être vérifiées et validées avant d’être diffusées), puis rédigez… ». Bref, la seule information valide est celle :

  • qui a été produite par des « scientifiques » -> Au moins un master 2 ? des profs d’universités ?
  • qui sont de surcroît « reconnus » -> par qui ? comment le mesure-t-on ? existe-t-il des scientifiques non reconnus ?
  • et de plus une information « vérifiée et validée » -> et par qui ? d’autres « scientifiques reconnus » ?

Bref on le voit, hors des circuits officiels point de salut. De plus, on laisse croire que l’information « scientifique » est homogène, sans débat ni nuance, sans prise de parti et donc d’une impartialité absolue. Est-ce là une bonne introduction au monde universitaire…pourtant si plein de (riches) controverses ?

Mais le meilleur reste à venir. Page suivante en effet, sans qu’on comprenne trop le rapport au thème de la mondialisation en débat, une pleine page est consacrée à l’analyse de l’article « Mondialisation » de Wikipedia. Grâce à la page précédente, on a bien compris que cette source n’est pas fiable, ne résultant pas de scientifiques reconnus ayant fourni une information validée et vérifiée. D’ailleurs, la première question nous invite, ou plutôt nous oblige, à prendre du recul et à exercer l’esprit critique :

Ouh la vilaine source !

Et c’est bien ici que se révèle non seulement la mauvaise fois du dossier, mais, pire encore, l’orientation des questions, qui, loin de permettre à l’élève de réfléchir, lui imposent une réponse toute faite. Et il s’agit bien sûr de démontrer que Wikipédia ne vaut pas tripette, par des questions orientées, au mépris de tout considération pédagogique. C’est indigne. Ainsi, on est amené à critiquer la cartographie (question 3) et à comparer la définition proposée avec celle du manuel (question 4). Le plus consternant, c’est que la copie d’ écran de l’article incriminé montre qu’il y a un lien spécifique vers la « Mondialisation économique », plus à même sans doute de coller au programme !

Chez Nathan on distingue mal les liens…

Toutefois, et c’est rassurant, l’exercice traité avec des élèves montre que ceux-ci ne tombent pas le piège, même si la supercherie ne leur est guère visible. Certes, bien scolairement, ils rappellent que toute source doit être vérifiée. Mais l’analyse de l’article Wikipedia montre qu’il est en fait de bonne tenue.

Finalement nous constatons beaucoup de mauvaise fois et de manquement déontologique. L’objectif est bien de dévaloriser « l’internet », sans doute vu comme un concurrent inquiétant. Rien ici ne laisse voir ce que l’intelligence collective peut apporter, à quel point le net favorise la formation via les FOAD et les MOOC, ce que le travail collaboratif, gratuit, généreux peut avoir d’important au XXIe siècle. Il ne s’agit pas dire que le manuel est inutile, d’autant qu’il est, pour le reste, souvent pertinent et reste l’outil principal qui accompagne l’élève. Mais un autre rapport au savoir et aux ressources doit se construire, ce qu’un éditeur comme LeLivreScolaire développe d’ailleurs avec pertinence, tant le XXe siècle industriel monopolistique apparaît comme révolu dans ce domaine.