#FIG2015 Conférence de Michel Lussault

M. Lussault parle de Blue Marble
M. Lussault parle de Blue Marble

Après la table ronde inaugurale, la conférence de Michel Lussault était intitulée Quelle place pour l’imaginaire géographique ?
En introduction à son diaporama, M. Lussault cite Gaston Bachelard : « Notre appartenance au monde des images est plus fort, plus constitutif de notre être que notre appartenance au monde des idées ».
La géographie apporte des éclairages aux autres sciences sociales, avec sa sensibilité spatiale, et finalement peu de disciplines s’intéressent vraiment au spatial. Si on cite Bachelard, c’est que l’on aborde l’image non pour illustrer la géographie, mais pour la subvertir, la retourner : il faut reconsidérer la question de la spatialité. L’approche par l’image n’enrichit pas la géographie, elle la change ! L’image est en effet une autre façon de considérer la géographie : c’est documenter le monde social, proposer des solutions au politique. Faire de la géographe, c’est interroger le champ politique et donc s’y engager. Il faut considérer ce que la géographie peut déverrouiller du champ politique et c’est quelque chose qu »on peut faire passer aux élèves, c’est-à-dire faire de la géographie pour se réapproprier une relation politique ou sociale; et la source de cette démarche est l’interrogation des images.

The_Earth_seen_from_Apollo_17Une image est projetée : il s’agit de la Terre photographiée pour la première fois en 1972 dans son entièreté depuis l’espace (NASA). Elle est surnommée Blue marble. C’est bien sûr une image analogique, et non une des recompositions numériques auxquelles nous sommes habituées. Cette image bouleverse la représentation du monde : elle est centrée sur l’Afrique, on y voit le pôle sud, et c’est une nouveauté dans les représentations cartographiques aux États-Unis. Elle en devient donc une icône qui parle d’elle même. Mais il faut se méfier de l’illusion iconique dit Jacques Rancière, car montrer une image peut faire croire que tout est réglé…alors qu’en fait c’est le trouble qui commence. Donc, que représente cette image ? L’image, dit Louis Marin, est « l’énonciation puissante d’une absence ». Elle a donc un rapport à la disparition, une absence liée à la mort ? L’image montre quelque chose qui disparaît. En 1972, c’est la fin de l’image d’une terre homogène, régulée.

a1afc58c6ca9540d057299ec3016d726-1398434420.resizedD’autres images au contraire ne représentent rien. La diapo suivant propose une image du projet de rénovation du quartier du Heysel à Bruxelles. Nous sommes là face à un traitement iconographique d’une mémoire meurtrie ; or une image de projet urbain ne représente qu’une virtualité, quelque chose qui n’a pas d’existence. L’image est un dispositif de « monstration » (Louis Marin), de quelque chose qui n’exista pas en tant que tel. Avant la photographie de la NASA en 1972, on dispose de cartes, de globes, mais cette image de la Terre présente (et non représente !) une réalité nouvelle, qui fait apparaître des réalités spatiales. Il faut souvent un passage par l’image pour qu’un espace devienne un espace social. Et ce n’est pas un espace individuel car il n’existe pas de territoire individuel. Certes beaucoup d’individus documentent, notamment par des images, leur spatialité (via des applications sur smartphones), mais le partage de leur spatialité individuel sur les réseaux sociaux fabrique en fait de l’espace social.

Continuer la lecture de « #FIG2015 Conférence de Michel Lussault »

#FIG2015 Table ronde inaugurale

Le Festival International de Géographie de Saint-Dié-des-Vosges avait cette année pour thème Les Territoires de l’Imaginaire, Utopie, Représentation et Prospective et le pays invité était l’Australie. La table ronde inaugurale du FIG 2015 s’est tenue le vendredi 2 octobre, en présence :
– du  maire de Saint Dié, David Valence
– de l’inspection générale : Catherine Biaggi, Michel Hagnerelle, Laurent Carroué
– des directeurs scientifiques du festival  : Béatrice Collignon, Gilles Fumey
– de Michel Lussault

IMG_0177.resizedEn introduction, le maire de Saint Dié, rappelle l’importance des territoires. À preuve, la Syrie qui n’existe guère dans les représentations des Français, sinon par les médias, ce qui conduit parfois à des problèmes de positionnement sur l’accueil des réfugiés.

La table ronde qui suit pose les bases des réflexions de ce FIG.
La définition de l’imaginaire intervient bien sûr immédiatement : il existe des zones, des pays qui font rêver (l’Australie), des lieux qui produisent de l’imaginaire comme les îles qui ont toujours joué un rôle particulier de production d »études géographiques. Cet imaginaire se transmet via des matériaux supports telles que les images et la carte qui projettent une vérité et un imaginaire. Les images des livres pour enfants sont aussi un imaginaire qui crée toutefois une représentation du monde ; les films, les séries TV sont également invoqués et, on peut se demander, comment la géographie peut/doit les traiter. Ainsi, nos sociétés sont les produits d’imaginaires qui ont réussi, et qui peuvent être sources de domination, de rapports de force, voire de discriminations.
Mais en quoi cela intéresse-t-il les géographes ? Réfléchir sur un pays qui n’existe pas pourrait être une démarche originale pour tenter de répondre à cette question. Ce sera le cas du  « Brouzoufland », miroir des îles, qui in fine permettra de s’interroger sur ce qu’est la géographie.
Rappelons que le Ministère de l’Éducation Nationale soutient fermement le FIG comme lieu de formation continue.

Venons en à la thématique de la prospective : la géographie sait s’émanciper, se « réinventer en science pionnière ». Elle nous fait comprendre le présent et surtout préparer le futur en essayant de « réenchanter le monde » d’aujourd’hui, notamment auprès des élèves pour en faire des acteurs d’un monde qui reste à construire. Le devoir de l’éducateur est en effet de donner des envies de futur face aux angoisses du jour. Il faut faire appel à l’imaginaire des élèves et travailler ainsi sur leur futur.